La seconde guerre mondiale
Un syndicat dans un monde de luxe
A l’aube de la Seconde Guerre Mondiale, une silhouette se montre, Gaston Martin, un jeune homme de 14 ans entre chez Moët & Chandon en tant qu’ouvrier caviste. Lui qui rêvait d’être un imprimeur, il deviendra un grand leader du Syndicat CGT de Champagne, là où les maisons préfèrent négocier avec la corporations des tonneliers. Son directeur, Robert-Jean de Vogüé arrive en 1930, il va diriger la maison d’une main de maître et faire progresser la maison pendant 40 ans. Mais l’armée du IIIe Reich arrive à grand pas en Champagne. Le régime allemand a un seul objectif lors de cette Blitzkrieg (guerre éclaire), faire main basse sur la Champagne qui fait de l’ombre aux mousseux germaniques.
L’Allemagne est un grand producteur de vin mousseux, un concurrent que le champagne humilie. Beaucoup de vins tranquilles vont partir en Allemagne pour y être transformés en vins mousseux. Bien naturellement la vente de champagne était interdite aux ennemis, dans le même temps en 1941, dans la presse américaine, on pouvait lire que des producteurs arrivaient à faire du mousseux digne du champagne lui-même.
Robert-Jean de Vogüé
Une lourde dette
Robert-Jean de Vogüé, alors délégué du négoce au comité interprofessionnel des vins de champagne est chargé de répartir avec équité le poids de cette occupation allemande qui réclame sa dette de guerre. La production de champagne peut continuer, il représente une économie importante de la région, et l’allemagne en réclame comme dette de guerre pour commercer avec les pays neutres. Les autorités installent à Reims un bureau qui est chargé de coordonner les achats pour l’armée allemande ainsi que de fixer leurs prélèvements. Ce dernier est dirigé par un certain Otto Klaebisch, surnommée non sans raison le führer du champagne. On dénombre ces prélèvements à hauteur de 15 à 18 millions de bouteilles, celles-ci sont payées à un prix inférieur au marché mais suffisamment pour rentrer dans les frais de la production. Le reste de la production est libre à l’envoi selon l’envie du directeur. les produits envoyés à l’armée allemande doivent porter le nom de “ réservé à la Wehrmacht”, écrit en français et allemand , permet une différenciation
Il en vas sans doute que les allemands choisissent les meilleurs bouteilles pour leurs rangs
Maurice Hollande ira même à dire “Ils effectuent des prélèvement incontrôlés, qui font disparaître des caves du Négoces plus de deux millions de bouteilles, sans compter naturellement les milliers de flacons laissés dans les caves personnelles par les habitants qui ont fui devant l’invasion”
Un conflit commande/production
Selon les commandes, on pouvait deviner quelles seraient les grosses opérations en préparation. Les bouteilles étaient envoyées pour soutenir le moral des troupes.
Pour Rommel, Klaebisch exigea de la Champagne “des bouteilles spécialement bien bouchées pour supporter de grandes chaleurs”. La Luftwaffe est aussi bien traité. Il y a même un envoi de plusieurs milliers de bouteilles en Roumanie alors qu’il n’y a qu’ un millier de soldats, l’invasion aura lieu quelques jours plus tard.
Les Champenois vont réussir à négocier, ils obtiennent le rapatriement de 500 des leurs, en invoquant le motif suivant: pour produire 25 millions de bouteilles, il faut 2500 ouvriers dans les caves. Gaston Martin, Comuniste et syndicaliste CGT, est emprisonné à Reims puis Compiègne. puis libéré sans doute avec l’invention de son patron Robert-Jean de Vogüé, ce dernier l’encourage à rejoindre la clandestinité et les résistants si il ne veut pas se faire arrêter à nouveau.
Une alliance agriculteur/producteur
Les Champenois arrivent à un accord majeur en 1935, et par la suite ils décident de créer avec cette base le comité interprofessionnel des vins de champagne en 1941. Alors que le ministre de l’agriculture ne voulait pas de la création du CIVC, car c’était donner des pouvoirs exorbitants à des professionnels pour gérer leur patrimoine, et leur production. La loi est promulguée sous le régime de Vichy. Alors que cette loi devait disparaître avec l’ordonnance du 9 août 1944, le gouvernement provisoire du général De Gaulle maintient le CIVC, preuve que cette institution n’est pas l’émanation du défunt régime de Vichy mais d’une forte volonté des champenois et de faire perdurer cette dernière. Epernay est libéré le 28 août 1944 quant à Reims ce sera le 30 août par la IIIe armée américaine dirigée par le général Patton. Pour fêter cela des bouteilles seront ouvertes aux soldats
Churchill avec le champagne
Les gagnants aiment le champagne
Robert-Jean de Vogüé recevra Kroutchev à Moët & Chandon, surnommé le martyre rouge après avoir été déporté dans divers camps allemands. Il n’aura de cesse avec son représentant personnel Gaston Martin d’améliorer les conditions de vie de son personnel. Moët & Chandon devient donc une locomotive sociale que les autres maisons vont suivre.
Le champagne fait partie de la légende, y compris celle de Churchill, au même titre que ses cigares, il dira que son champagne favori est La meilleure adresse de toute l’europe. Sir Cecil Beaton nous décrit la relation qu’a Churchill avec le champagne dans son livre Les années heureuses où il relate un dîner de décembre 1945 “En silence, j’observais Churchill : dans ses mains féminines aux doigts et aux ongles pointus, il tenait une coupe de champagne. Tellement près de son visage que les bulles pétillantes le chatouillaient et, tel un bébé, il plissait le nez et les yeux.”